L’idée selon laquelle le sucre provoquerait une addiction comparable à celle des drogues est largement répandue. Certains articles et études populaires affirment que le sucre active les mêmes circuits de récompense dans le cerveau que la cocaïne. Cela renforçant l’idée qu’il serait dangereux et hautement addictif. L’une des études les plus souvent citées est celle menée sur des rats, qui sembleraient préférer le sucre à la cocaïne. Mais ces conclusions sont-elles réellement valables ? Et surtout, pourquoi parle-t-on à tort d’addiction ?
L’impact d’une addiction
L’addiction est un trouble complexe qui se caractérise par une dépendance persistante et compulsive à une substance ou un comportement. L’addiction a des conséquences négatives sur la santé physique, mentale et sociale de l’individu.
Les addictions peuvent se diviser en deux grandes catégories. Celles liées aux substances (alcool, drogues, tabac, médicaments) et celles liées aux comportements (jeu, achats compulsifs, dépendance aux écrans, etc.).
Quelles que soient leur forme, les addictions se manifestent par des symptômes communs. Une tolérance croissante, des périodes de sevrage difficiles, des envies irrépressibles, des troubles émotionnels et des répercussions sur les relations personnelles et professionnelles.
Elles ont un impact profond sur la qualité de vie et nécessitent une prise en charge médicale et psychologique pour aider l’individu à se libérer de cette spirale.
L’étude sur les rats : un contexte biaisé
L’une des expériences les plus relayées est celle où des rats choisissent du sucre plutôt que de la cocaïne. Pourtant, plusieurs biais viennent fausser cette conclusion :
- Les rats étaient soumis à des périodes de privation alimentaire. Ce qui les rendait naturellement plus attirés par une source de calories facilement accessible.
- Ils ne consommaient pas du sucre de manière compulsive en dehors de cette privation. Contrairement à ce que l’on observe dans une véritable addiction.
- L’environnement des rats influençait leur comportement. On sait que l’isolement ou le stress peuvent augmenter la recherche de réconfort dans la nourriture.
Appliqué aux humains, ce type de comportement se rapproche bien plus d’une réponse à la privation et à la restriction que d’une addiction physiologique au sucre.
Addiction vs Compulsion
Addiction
L’addiction, au sens médical, implique une perte de contrôle due à des modifications neurologiques profondes provoquées par une substance ou à un comportement. Pour être considérée comme addictive, une substance doit générer :
- Le besoin d’en consommer de plus en plus pour ressentir les mêmes effets.
- Le syndrome de sevrage intense en cas d’arrêt.
- Une perte totale de contrôle sur la consommation.
Compulsion
Les personnes ayant des compulsions alimentaires consomment de manière excessive de la nourriture, souvent sans faim réelle. Le stress, l’anxiété, la dépression, la fatigue, mais aussi des difficultés personnelles ou une faible estime de soi, peuvent déclencher des compulsions alimentaires.
Dans certains cas, les compulsions alimentaires peuvent être un moyen de gérer des émotions difficiles, offrant une sensation temporaire de réconfort. À l’inverse, des périodes où l’on ne mange pas assez, parfois liées à des régimes restrictifs ou à la peur de prendre du poids, peuvent également provoquer des compulsions alimentaires. Ce manque de nourriture peut entraîner des fringales incontrôlables, créant un cercle vicieux difficile à briser. Après les épisodes de suralimentation, le sentiment de culpabilité peut souvent émerger, renforçant les émotions négatives et exacerbant le cycle de honte. Ces comportements peuvent être associés à des troubles du comportement alimentaire (TCA), nécessitant un accompagnement médical, diététique et psychologique pour en comprendre les causes sous-jacentes et retrouver un équilibre.
L’impact du sucre
L’addiction est une dépendance à une substance qui altère directement la chimie du cerveau et du corps, créant un besoin impérieux et difficile à interrompre. L’addiction et les compulsions peuvent avoir des conséquences sérieuses, mais leurs origines et leurs impacts peuvent différer.
Or, le sucre ne provoque pas ces phénomènes biologiques. En revanche, ce que l’on observe souvent, c’est un comportement de restriction et de compulsion : plus une personne se prive de sucre, plus elle risque d’en consommer en grande quantité lorsqu’elle y a accès. Ce phénomène est bien documenté dans le comportement alimentaire.
Physiologie et sucre
Le glucose
Le glucose est une source principale d’énergie pour notre corps. Il provient des glucides contenus dans les aliments (comme les fruits, légumes, céréales, etc.), qui sont ensuite décomposés en glucose lors de la digestion. Ce glucose est ensuite transporté par le sang jusqu’aux cellules, où il est utilisé comme carburant pour diverses fonctions corporelles, comme la contraction des muscles, la régulation de la température, et surtout pour le cerveau.
Une fois ingéré, le glucose passe dans le sang, ce qui entraîne une augmentation du taux de sucre sanguin (glycémie). Cela stimule la production d’insuline, une hormone produite par le pancréas, qui aide les cellules de notre corps à capter ce glucose pour l’utiliser comme source d’énergie ou pour le stocker sous forme de graisses pour une utilisation future. Ce processus permet de maintenir une concentration stable de glucose dans le sang, un équilibre essentiel pour notre santé.
Les besoins de notre cerveau
Le cerveau, bien qu’il ne représente qu’environ 2% du poids corporel, consomme environ 20% de l’énergie produite par l’organisme, principalement sous forme de glucose. Le glucose est la principale source d’énergie du cerveau, qui en a un besoin constant pour fonctionner de manière optimale. En effet, le cerveau est un organe énergivore et a une capacité limitée à stocker de l’énergie sous forme de glycogène. Il dépend donc directement du glucose sanguin pour maintenir ses activités cérébrales (pensées, mémoire, concentration, etc.).
Si le glucose est insuffisant
Lorsque l’apport en glucose est insuffisant, le corps a des mécanismes de secours pour s’assurer qu’il continue de fournir de l’énergie, notamment pour le cerveau qui en a un besoin constant. Le corps utilise des mécanismes comme la dégradation des réserves de glycogène, la production de glucose à partir de protéines et de graisses, et la production de corps cétoniques pour assurer un approvisionnement en énergie. Ces mécanismes permettent au corps de fonctionner, mais une source régulière de glucose reste essentielle pour un fonctionnement optimal, en particulier pour le cerveau.
Ce qu’il faut retenir
Les sucres simples sont rapidement transformés, tandis que les sucres complexes des céréales ou autres produits à base de farine sont décomposés plus lentement, mais le glucose reste le produit final.
L’exemple de Sophie qui pense souffrir d’une addiction au sucre
Imaginons Sophie, qui décide de supprimer complètement le sucre de son alimentation, pensant que cela l’aidera à perdre du poids ou à être en meilleure santé car le sucre serait mauvais pour la santé.
Au début, elle se sent fière d’avoir le contrôle sur ses choix alimentaires, mais plus elle élimine le sucre, plus elle ressent des envies de sucreries. Ces envies deviennent de plus en plus fortes, et lorsqu’elle craque enfin en mangeant un petit morceau de chocolat, elle a l’impression de ne plus pouvoir s’arrêter. Elle en mange une tablette entière, puis se sent coupable et paniquée.
En plus de cela, elle commence à éprouver des symptômes physiques comme des maux de tête, de l’irritabilité et des sensations de fatigue, qu’elle interprète comme des signes d’une addiction au sucre.
Sophie ne consomme pas du sucre pur mais des aliments sucrés. Le sucre, lorsqu’il est consommé sous forme pure, est souvent perçu comme écoeurant, et c’est pour cela qu’il est généralement consommé dans des aliments transformés, où il est combiné avec d’autres ingrédients qui en modifient le goût et la texture, comme des graisses, des arômes ou d’autres sucrants. Ces combinaisons rendent l’aliment sucré beaucoup plus agréable à manger.
Les symptômes que Sophie ressent sont liés à la privation alimentaire ou à l’image q’elle a de l’aliment. Ce n’est pas une véritable dépendance biologique au sucre, mais plutôt un cercle vicieux de restriction et de compulsion, où la privation intense stimule ses envies et entraîne des symptômes désagréables, renforçant ainsi le sentiment de dépendance.
Comportement alimentaire et addiction au sucre
Comportement alimentaire sain
Le comportement alimentaire va au-delà de la simple gestion de la faim et de la satiété. Il inclut des facteurs émotionnels, psychologiques et sociaux qui influencent nos choix alimentaires. Le but d’un comportement alimentaire « adapté » ou équilibré est de parvenir à une relation saine avec la nourriture, où les aliments ne sont ni une source de culpabilité, ni une réponse impulsive à des émotions, mais plutôt un moyen de nourrir notre corps et notre esprit de manière satisfaisante.
Quand on parle d’un comportement alimentaire régulé, il ne s’agit pas simplement de « ne pas manger trop » ou de « ne pas manger trop de sucre », mais bien de respecter les signaux de son corps et de réaliser une écoute attentive de ses besoins. Ce qui signifie aussi que, parfois, on mange sans avoir faim – pour le plaisir, la convivialité, ou même pour se réconforter, et ce n’est pas problématique en soi. Cependant, la clé, c’est de revenir à un équilibre où on peut distinguer les moments où la nourriture est là pour répondre à un vrai besoin nutritionnel, de ceux où elle sert un autre besoin, émotionnel par exemple.
Restriction cognitive
Le simple fait de vouloir moins consommer un aliment, en particulier un aliment perçu comme « indésirable » ou « malsain », peut en effet créer des compulsions alimentaires. C’est un phénomène assez courant, souvent lié à des mécanismes psychologiques complexes, notamment la restriction cognitive.
Imaginons quelqu’un qui essaie de réduire sa consommation de sucre comme Sophie. Dès qu’elle commence à éviter les produits sucrés, elle remarque qu’elle y pense de plus en plus. Son envie de chocolat, par exemple, devient plus forte. Un jour, après un moment de stress, elle cède à la tentation et mange une grosse quantité de chocolat. Ce qui suit est souvent un sentiment de culpabilité et une promesse de ne plus jamais recommencer, mais ce cycle peut recommencer encore et encore.
Le désir de réduire ou d’éliminer un aliment de son alimentation peut paradoxalement entraîner des compulsions alimentaires en raison de mécanismes psychologiques profonds, comme l’effet de la restriction cognitive, l’intensification du désir et le cercle de la culpabilité. Pour éviter cela, il est souvent plus efficace d’adopter une approche plus souple et équilibrée de la nourriture, où il n’y a pas de « bons » ou de « mauvais » aliments, mais plutôt une écoute des signaux internes du corps (faim, satiété, plaisir).
Pourquoi le discours sur l’addiction au sucre est dangereux
Le mythe de l’addiction au sucre entretient une vision culpabilisante de l’alimentation.
Il alimente :
- La peur du sucre, qui peut conduire à des régimes restrictifs et à des troubles alimentaires.
- Une fausse idée de perte de contrôle, alors que la restriction est souvent la cause des compulsions.
- Un discours alarmiste non fondé scientifiquement, favorisant les discours marketing autour des régimes « sans sucre ».
L’addiction au sucre n’existe pas
Plutôt que de parler d’addiction au sucre, il est plus juste d’évoquer un comportement d’évitement et de compulsions, souvent lié à la diabolisation des aliments sucrés. Le sucre n’est ni une drogue ni un poison, et apprendre à l’intégrer de manière sereine dans son alimentation est la meilleure manière d’éviter les excès.
Pour aller plus loin :
Christine Savalli 🍒 Une diététicienne qui vous veut du bien 😌
Spécialiste en Alimentations végétales, Fertilité et Comportement alimentaire.
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